La Laiterie de Mayotte a engagé des investissements ambitieux ces dernières années pour alimenter le marché mahorais en produits laitiers frais de qualité. L’entreprise a bénéficié de deux tranches de financements FEDER pour un montant total de plus de 2M€. Son directeur, Emmanuel CLERC, retrace pour nous les étapes clés de cette belle aventure industrielle.

Q – Monsieur le directeur, pouvez-vous détailler, pour nos lecteurs, les investissements successifs réalisés dans votre entreprise grâce aux cofinancements européens (FEDER) ?

La Laiterie de Mayotte a mis en place un ambitieux programme d’investissements industriels qui couvre la période 2021-2027, soit environ 15 millions d’euros au total. Trois des quatre étapes ont déjà été mises en place, dont deux ont pu bénéficier d’un co-financement par les fonds européens du FEDER.

Après avoir augmenté notre capacité de fabrication de yaourts (des cuves essentiellement) en auto-financement, le premier dossier co-financé a permis de renouveler entièrement la production de froid en utilisant des techniques ayant un moindre impact sur la couche d’ozone, et de recycler la chaleur générée par cette production de froid pour réduire notre consommation énergétique. Il s’agissait d’un projet permettant d’accompagner notre croissance à venir, tout en adoptant un modèle vertueux pour l’environnement. Les fonds FEDER ont participé à hauteur de 1,1 million d’euros, soit plus de 50% du coût total du projet, en 2023.

Le deuxième dossier co-financé, qui vient de démarrer cette année, prévoyait le renouvellement complet de notre ligne de conditionnement de yaourts en pots, aux marques OULA et YOPLAIT. Cette ligne entièrement automatisée a une cadence horaire plus de quatre fois supérieure à la ligne précédente (16 000 yaourts par heure) et toute la manutention est robotisée. Là encore, les fonds européens sont intervenus pour plus d’un million d’euros, environ 25% du coût total.

Q – En quoi ont-ils changé la dimension économique de votre entreprise ?

Tout d’abord, ils ont permis de faire entrer la Laiterie de Mayotte dans un environnement industriel moderne. Les installations mises en place ont le même niveau de technologie que les installations existant en métropole ou à Dubaï.

Ensuite, ils se sont faits grâce et avec les effectifs de l’entreprise : c’est une fierté de voir les opérateurs de production piloter ces machines (écrans tactiles, recettes programmées, changements d’outils optimisés), de voir les techniciens de maintenance réaliser les opérations de maintenance, de suivre des indicateurs, etc. Une transition numérique qui a embarqué toute l’entreprise.

Enfin, ces outils ultra-modernes ont permis l’augmentation des cadences, la réduction de la pénibilité, une meilleure maîtrise de la qualité des produits. Par ailleurs, le marché mahorais bénéficie de produits laitiers frais disponibles en permanence.

Q – Peut-on affirmer selon vous qu’ils ont contribué au développement du « Made in Mayotte », et si oui comment ?

Mayotte est un territoire dans lequel l’activité industrielle n’a jamais été une priorité, mais les pouvoirs publics veulent encourager son développement. Avec ce dernier projet, la Laiterie de Mayotte a fait la démonstration de sa capacité à concevoir, installer et démarrer avec succès une ligne automatique de haute technologie. C’est une fierté pour nous, mais plus largement une fierté pour toute la population de Mayotte. C’est notre manière de dire : « c’est possible, soyons ambitieux, développons Mayotte avec des activités de production. »

Q – Les gains de productivité acquis grâce à ces investissements se sont-ils faits au détriment de l’emploi au sein de la Laiterie de Mayotte ?  De façon plus générale, comment évaluez-vous l’impact indirect sur l’emploi à Mayotte que permettent ces investissements, notamment auprès de vos partenaires ?

Il n’y a eu aucune perte d’emploi liée à ces projets. Au contraire, la productivité gagnée dans l’activité de fabrication et de conditionnement nécessite une nouvelle organisation pour en assurer la distribution, et de nouvelles créations d’emploi seront nécessaires ces prochaines années.

Investir, c’est parier sur l’avenir. Le pari de la Laiterie de Mayotte, c’est celui de la consommation de produits laitiers frais et leurs vertus nutritionnelles et physiologiques. Notre croissance permettra d’abaisser leur prix, ce qui en permettra l’accès au plus grand nombre, c’est un cercle vertueux aux niveaux développement économique, santé publique ou encore autonomie alimentaire.

Prestataires et intervenants locaux, clients de la petite et grande distribution, consommateurs, chacun doit prendre sa part dans nos projets.

Q – Au vu de votre expérience de la demande de subvention FEDER, quel conseil donneriez-vous à un porteur encore hésitant à se lancer dans une telle démarche ?

Il faut bien comprendre que l’investissement est indispensable à l’entreprise, quelle qu’elle soit. Il est donc important de bien définir quel type d’investissement il faut prioriser, et quelle ambition on est capable de lui donner. C’est la vision stratégique.

Ce n’est qu’après ces étapes qu’on réfléchit au financement. Parfois, il faut patienter, parfois, il faut revoir à la baisse ses ambitions, faute de moyens. La subvention FEDER permet de réduire l’attente, de maintenir l’ambition, et Mayotte a la chance de voir tous ses projets encouragés par les pouvoirs publics.

Pour ceux qui ne se sentent pas suffisamment autonomes dans les démarches administratives, il existe des professionnels qui peuvent accompagner.