Interview de Said Omar Oili, Président de la Communauté de Communes de Petite Terre

La Communauté de Communes de Petite Terre (CCPT) vient d’être mise à l’honneur en remportant le Trophée d’Or des Initiatives FSE+ 2023 dans la catégorie « Jeunesse », ainsi que le prix « Coup de coeur » du public, pour son action de médiation en faveur des publics défavorisés. Ces distinctions lui ont été décernées lors du Village des Initiatives FSE+ qui s’est tenu à Paris au mois de mars dernier. Monsieur Saïd Omar Oili, président de la CCPT, répond à nos questions sur ce sujet.

Q – Monsieur le Président, que vous inspire ce beau succès remporté par votre collectivité et la reconnaissance nationale ainsi obtenue ?

C’est en effet une reconnaissance pour le travail fourni par les équipes de la Politique de la Ville et un espoir pour la jeunesse que nous tentons d’accompagner. Ceci doit aussi être un signe fort porté au plus haut niveau afin que les acteurs nationaux et européens accompagnent mieux et davantage notre territoire qui en a si besoin.

Q – A l’origine du projet, quels besoins aviez-vous identifiés pour justifier votre initiative et l’appel aux financements européens ?

J’ai toujours été très préoccupé par le devenir de cette jeunesse si nombreuse, si impatiente de grandir, et pourtant, si compliquée à accompagner. En voyant les carences éducatives se cumuler à cette croissance démographique exponentielle, j’ai toujours alerté sur les conséquences que ces phénomènes induiraient. Nous les subissions hélas de plein fouet depuis des années… Une jeunesse non éduquée, en errance, oisive, est une jeunesse qui part à la dérive. Face à ces constats il a fallu mobiliser de nouvelles ressources, pour faire de nouvelles choses qui n’existaient pas encore et en l’occurrence, aller à la rencontre de cette jeunesse non formée et non scolarisée pour essayer de l’aider à se construire un avenir.

Q – Au-delà de la reconnaissance du travail accompli, quel bilan pouvez-vous faire de l’action engagée en faveur des jeunes ayant bénéficié du dispositif dans votre territoire ?

Le bilan est dans l’ensemble positif car il permet de s’adresser à une jeunesse hélas trop souvent oubliée. En effet, quand nous faisons l’effort de considérer les individualités avec leurs propres problématiques en proposant un accompagnement sur mesure, nous voyons les situations changer et parfois, de véritables talents cachés se révéler. Je suis convaincu et nous sommes nombreux à constater, que notre projet apporte une réelle plus-value pour les publics accompagnés.

Cela peut sembler compliqué tellement la somme des besoins est considérable et les issues peu nombreuses parfois complexes à mobiliser. Nos capacités d’interventions sont bien en deçà des attentes que connaît notre territoire ; nous pourrions doubler le nombre de médiateurs en activités, nous aurions toujours autant de travail !

Je regrette que pour beaucoup de jeunes accompagnés il n’y ait presque aucune perspective, principalement à cause de leur situation administrative qui ne leur offre aucun horizon. Nés ici ou y ayant fait toute leur scolarité, ils ne sont pas expulsables, et rien ne semble pour autant fait pour qu’ils soient régularisés. Alors ils sont là, ils traînent, n’ayant pas le droit de se former ou encore de travailler, maintenus de force dans la précarité et la misère, hélas souvent happés par la délinquance.

C’est en ce sens que nous devons redoubler d’efforts et poursuivre sans relâche cette mission de médiation sociale.

Q – Quelles suites envisagez-vous pour pérenniser et développer le dispositif et comment le FSE+ pourrait y contribuer ?

J’ambitionne évidemment de maintenir le dispositif et de le renforcer si les obligations pour la CCPT sont tenables et que les garanties sont suffisantes.

Q – Au vu de votre expérience politique, quelle vision de la contribution de l’Europe au développement de notre territoire portez-vous ?

L’Europe doit être une chance pour Mayotte, pas une contrainte.

La mobilisation des contributions européennes exige un grand niveau de sérieux sur le plan administratif et financier, mais ceci ne doit pas se faire au détriment du travail avec les publics.

L’Europe doit continuer à nous accompagner et le faire davantage, en considérant nos réalités locales. Cet engagement nécessaire ne doit pas conduire les acteurs nationaux à se désengager, bien au contraire !